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Le jeune homme de Manhattan

Comme au premier instant ou il s'est installé, il serre d'une main ferme un violoncelle qu'il regarde pourtant avec tendresse. Les heures passent, les gens défilent tel le flot incessant de l'océan qui borde la presque île. Désormais il fait parti du paysage. Parfois des touristes s'arrêtent afin de permettre à cet adolescent de s'exprimer, mais jamais il n'a cillé.

Il attends tel un chien de faïence, de tenir une promesse qui l'oblige à se plonger dans un silence que son environnement balaye d'une simple caresse. Face à lui, le monde continue son évolution au gré des innovations, des élections ou encore des incantations murmurées par envie de rebellions contre un système anticonstitutionnel soi-disant sensationnel.

La nuit, sous la lune évanescente, qui se reflète sur le lac du parc, on aperçoit des formes bleuâtres, sortes d'éléphants qui l'habitent et migrent avec ce qui semble une démarche de raquetteurs, sans arrêt au gré des vents venant des constellations lointaines.

Ces spectacles magnifiques qui emplissent nos yeux des étoiles qui bordent le ciel, réjouissent les êtres vivants depuis la nuit des temps.

Personne ne se soucie de lui. Un pauvre bougre à peine sorti de l'adolescence, immobile depuis voilà deux semaines. Pour une question de romantisme sorti tout droit de la folie pure d'une donzelle; et pour qui elle ne porte en elle pas même le fragment d'un sentiment affectueux. Quel intérêt a t-il de rester à l'attendre ? Un espoir qui reste en éveil, furtif dans son esprit qui ne peut s'en défaire. Cette demoiselle pour qui son c½ur s'est épris l'a, il y a déjà longtemps, oublié. Remplacé par un fils à papa ayant plus de valeur qu'un doux rêveur musicien et poète dans l'âme.

Cette histoire, cette aventure d'un nouveau genre pour ce débutant de la vie n'est qu'un infime aspect de ce qu'il décrira de terrible et d'irrémédiable. Quelques temps plus tard, il s'était finalement résigné. Et maudissait alors son sort devenu sans destin prédéfini par son choix. La vie ne se contente pas d'amour et d'eau fraîche. C'est la leçon qu'il avait apprise de son erreur de jugement. Cette étape lui permit alors de voir le monde tel qu'il était et de prendre garde à préserver les moment de joies et de tristesse dans son cœur.

Il continua à arpenter les rues de son quartier. Une routine finit par s'installer. Ce contre quoi il se rebellait avant, mais dont il se réjouissait à présent. La monotonie a du bon. Avoir des repères, cela veut dire que notre vie a un sens.

Une jeune femme assise près d'un jeu d'eau en face d'un musicien, une lueur admirative dans les yeux, un sourire angélique et piquant un fard lorsque celui-ci lui lance un regard.

Princesse à ces heures perdues, la damoiselle dans sa tour de verre laisse son esprit divaguer, à la recherche d'un esprit ressemblant au sien, et qui pourra ne faire qu'un avec son âme d'enfant. La rencontre avec ce troubadour la troubla quelque peu.

L'air émanant de son instrument, qui aurait pu être son troisième bras était mélodieux tels que ceux qui prenaient le temps de l'écouter y versaient au passage quelques larmes.
Musique inconnue, venant peut-être de terres lointaines, mais surtout du c½ur de son interprète; musique douce, légère, poignante, avec une pointe de folie passagère. Elle restait là des heures. À l'écouter, sans pouvoir quitter sa silhouette une seconde de peur qu'il ne s'envole avec ses notes.

Il avait bien changé ce jeune homme que nous avons connu doté de la tristesse d'un débutant ayant perdu la face contre un adversaire sous-estimé. A présent il réjouit les êtres qui l'entourent. Il s'est trouvé une voie sur laquelle il ne rencontrera aucune embûche. Sauf celles imprévisibles qui donne à la vie si douce la caresse des épines sur son corps fait de pétales.

La rencontre se fit dans les allées oubliées des gens ayant les pieds fermement ancrés sur ce globe fait de poussière. Par une fin d'après-midi d'été, il s'était retiré du monde urbain afin de composer. Cette jeune femme qui le regardait tous les jours méritait qu'il lui adresse des remerciements. Quelques personnes étaient devenues des habitués des « concerts » en plein air du musicien. Mais pas avec cette attention particulière et si touchante que la demoiselle. Il se lança donc sur les chemins de l'invention et de l'imagination.

Il n'entendit pas les pas derrière lui, ni ne vit l'ombre se placer le long d'un arbre et qui l'écoutait avec dévotion.

Une légère brise emporta son parfum jusqu'à lui. Trahie par son corps et son odeur charnelle... il se retourna et la fixa. Son regard, d'un bleu intense parcourut son âme en une fraction de seconde. Un battement de cils, rien de plus. Tout d'abord gênée, elle fit un pas vers lui. Sans franchir son espace vital nécessaire afin de ne pas l'effrayer. Son sourire. La douceur de sa peau. Tout était parfait en elle. Il le savait. Et pas d'une intuition dite féminine.

Ils passèrent alors leurs premières heures ensemble. Longues comme celles de l'été, mais courtes pour ces deux coeurs battant à l'unisson. Le temps continua sa route. Ils continuèrent à se voir. Un jour, il ne purent se quitter. Ils restèrent ainsi, vivant chacun l'un avec l'autre sans besoins extérieurs bien plus loin que l'an 2027.

Cet amour n'est pas comme beaucoup en ce bas monde. Déclarés avec brusquerie, sans compassion pour la surprise de l'autre et encore moins comblés de patience qui fait partie de la douce passion dévorant les entrailles de l'être « aimé ». Ceux la on peut les appelé amours éphémères, ou amours évanescents. En un mot, voués à l'échec.

Ces deux êtres, touchés par la flèche de Cupidon lui-même; sont voués à un amour éternel, qui ne perdra jamais de sa farouche intensité. Car l'amour est un sentiment difficile à avouer pour tout être vivant. C'est ce qui fait sa beauté et sa rareté.

Un jeune homme un jour, s'assoit sur un banc dans Central Park.

Quelque-fois celle-ci est brisée par un événement ou même un simple regard. On sait alors que rien ne sera plus comme avant.

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